Reconstruction du sein après un cancer: quelle technique choisir?

Les femmes ayant subi une mastectomie se voient un jour ou l’autre confrontées à la question de la reconstruction d’un sein. Quelles sont les différentes possibilités ? Pour quels avantages et quels inconvénients ? A chaque fois qu’un cancer du sein est annoncé, la question de la reconstruction se pose. Certaines femmes souhaitent une reconstruction immédiate après l’ablation, mais elle est déconseillée en cas de radiothérapie, qui augmente le risque de complications. De plus, « celle-ci n’est pas forcément mieux vécue, précise le Dr Meunier, spécialiste en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique au Centre Léon Bérard à Lyon. Car la femme s’endort avec son sein et se réveille avec un “volume” qui n’est pas le sein d’avant. Le retentissement psychologique reste important. » Souvent, les chirurgiens conseillent d’attendre trois à six mois minimum. Les différentes techniques de reconstruction mammaire Il existe plusieurs techniques de chirurgie reconstructrice du sein. Toutes nécessitent entre deux et trois étapes : la reconstruction du galbe du sein, l’éventuelle symétrisation de l’autre sein, puis, sous anesthésie locale, la reconstruction de l’aréole et du mamelon. Chaque intervention est espacée de trois mois environ. « Le choix dépend de la taille du sein, de la qualité et de la quantité de la peau qui peut avoir été abîmée par la radiothérapie, d’éventuelles contre-indications comme le tabagisme, ainsi que de la morphologie et des désirs de la patiente », explique le Dr Cothier-Savey, spécialiste en chirurgie esthétique à la clinique de Bercy à Charenton. La reconstruction mammaire par prothèse Pour qui ? Concerne des femmes qui ont des seins petits ou moyens, et dont la peau est suffisamment souple. La prothèse est placée sous le muscle pectoral. Avantages : l’opération est plus rapide, les suites opératoires plus simples (quatre jours d’hospitalisation). Elle ne crée pas de cicatrice supplémentaire, car le chirurgien réincise au même endroit. Inconvénients : la prothèse peut se rompre (silicone) ou se dégonfler (sérum), former des vagues ou des plis ou durcir jusqu’à former une coque nécessitant son retrait. De plus, les deux seins ne vieillissent pas au même rythme et il faudra peut-être remplacer la prothèse (tous les dix à quinze ans). La reconstruction mammaire par grand dorsal Pour qui ? Des femmes dont la quantité ou la qualité de peau est insuffisante. Un lambeau (peau, vaisseaux, muscle) est prélevé dans le dos sous l’omoplate, puis modelé à la place du sein. Si la poitrine est importante, une prothèse ou des cellules graisseuses sont ajoutées. Avantages : la symétrisation de l’autre sein n’est pas toujours nécessaire. Le résultat est stable dans le temps et, en l’absence de prothèse, naturel. De plus, le risque de destruction de la peau (nécrose) est très faible. Inconvénients : les cicatrices sont situées dans le dos et sur le sein. Les suites opératoires sont douloureuses, notamment au niveau du dos. L’inconfort, gênant pour dormir ou conduire, persiste plusieurs semaines. D’ailleurs, le bras concerné perd un peu de force musculaire. Enfin, il existe un risque d’hématome et de lymphocèle (accumulation de la lymphe) dans le dos. La reconstruction mammaire par grand droit Pour qui ? Préconisé pour les femmes qui ont du ventre et dont la quantité de peau au niveau de la poitrine est insuffisante. Le muscle abdominal (grand droit), la peau et la graisse du ventre remodèlent le sein. Une plaque en métal est posée au niveau du ventre pour solidifier la paroi abdominale fragilisée. Avantages : l’aspect du sein est très naturel, et le ventre devient plat. Inconvénients : l’intervention est lourde. Elle nécessite jusqu’à dix jours d’hospitalisation. Les cicatrices sont importantes, et une nécrose partielle du lambeau est possible. Cela, même avec un chirurgien aguerri à cette technique. Surtout, la paroi abdominale est fragilisée, gênant longtemps – voire définitivement – les mouvements qui sollicitent le ventre. Difficile de se lever du lit sans se mettre sur le côté, ou d’un tabouret sans s’aider des mains, et impossible de pratiquer de nombreux sports. La reconstruction mammaire par DIEP Pour qui ? Celles qui ont suffisamment de ventre. « Nous prélevons la peau et la graisse du bas du ventre (ou de la fesse) avec, pour l’irriguer, une artère et une veine, et à l’emmener au niveau du sein, en rebranchant l’artère et la veine au niveau du thorax », explique le Pr Lantieri, spécialiste en chirurgie plastique au CHU Henri Mondor à Créteil. Avantages : le résultat est plus naturel, et le sein reconstruit évolue normalement. Le ventre devient plat et le muscle abdominal est conservé. Peu ou pas de douleurs postopératoires. Inconvénients : l’opération par Deep inferior epigastric perforator (DIEP) est longue, la cicatrice de 30 cm située au-dessus du pubis et autour du nombril très inconfortable. Impossible de dormir sur le ventre pendant plusieurs semaines. Cette opération nécessite une parfaite maîtrise chirurgicale. « Le risque de nécrose est alors inférieur à 5 % et est équivalent à celui du TRAM (Tranverse rectus abdominis myocutaneous) », précise le spécialiste. Quelle que soit l’opération choisie, la reconstruction du sein n’a pas d’impact sur la rechute locale ou métastatique de la maladie. Il est exceptionnel qu’elle gêne la guérison et la surveillance des seins. Combien coûte la reconstruction d’un sein ? La reconstruction est prise en charge par la Sécurité sociale à 100 %. Mais les dépassements d’honoraires sont fréquents, jusqu’à dix fois le tarif de base de la Sécu ! Le remboursement de la symétrisation de l’autre sein se fait sur examen du dossier. Comment se passe une chirurgie reconstructrice du sein ? « Il est recommandé d’arrêter de fumer au moins un mois avant l’opération, insiste le Dr Meunier. Le tabagisme est le grand ennemi de la reconstruction, car il diminue la microcirculation au niveau de la peau, multiplie par deux le risque de nécrose et ralentit la cicatrisation. » Important aussi, perdre du poids si nécessaire, bien équilibrer son traitement si l’on est diabétique… Et, dès la mastectomie, hydrater sa peau avec une crème, dix minutes par jour après la douche, et porter une prothèse externe, type “contact”, avec des petites ventouses de silicone, améliorent la souplesse et la vascularisation de la peau. « A l’hôpital, apportez des soutiens-gorge de sport, et optez pour des vêtements faciles à enfiler : à boutons ou à zip, qui s’ouvrent par-devant, et cache-cœur sans manches pour laisser passer les drains », conseille Frédérique, 45 ans, opérée voilà six mois. La reconstruction du sein est-elle douloureuse ? « La reconstruction est une intervention plus ou moins douloureuse, met en garde le Dr Cothier-Savey. Elle nécessite 48 heures d’antalgiques puissants. Il faut s’attendre à ce que la mobilisation soit assez pénible pendant une semaine et qu’une gêne persiste un mois. » Dès le retour à la maison, la douche avec du savon de Marseille ou de la bétadine rouge est possible, mais pas le bain. Sur le pansement, il faut porter nuit et jour un soutien-gorge de sport pendant un mois. Pas de conduite, pas de port de charges de plus de 10 kg… Si quelqu’un peut vous aider à la maison le premier mois, c’est l’idéal. A partir de quand peut-on retravailler ? L’arrêt de travail prescrit est habituellement de trois semaines après reconstruction par prothèse, d’un mois et demi après lambeau de grand dorsal, DIEP et grand droit. Une rééducation est-elle nécessaire après une reconstruction du sein ? Non, après la pose d’une prothèse seule, oui pour les autres techniques. « La rééducation doit être initiée dès le lendemain de l’intervention. Les infirmières et le kinésithérapeute montrent comment se mobiliser sans tirer sur les sutures et sans mettre le lambeau en tension », explique le Dr Meunier. Des massages pourront décontracter les zones endolories. De quelle façon évoluent les cicatrices ? « Une cicatrice reste inflammatoire durant une période minimum de trois à six mois, explique le Dr Cothier-Savey. Puis, elle s’estompe progressivement, sans disparaître. Tout ce qui appuie dessus – contention, massage – est bénéfique. » Les femmes n’hésitent pas à s’échanger leurs “trucs”, « comme les pansements en silicone, plutôt spectaculaires, mais assez onéreux et non remboursés », raconte Charlotte. Ou encore la crème Jonctum®, Cicabio®, l’huile d’amande douce, le laser, voire une cure à la Roche-Posay ou Avène (remboursée) si la cicatrice reste sensible. La sensibilité du sein, elle, n’est pas totalement restaurée. Cependant, elle réapparaît progressivement après plusieurs mois et s’améliore encore pendant deux à trois ans environ. Source : www.santemagazine.fr – Céline Dufranc